Comment l’enfant apprend-il à se socialiser, à « vivre ensemble » ?

Qu’entend-on par socialisation ?


La capacité de vivre ensemble est inscrite dans les gènes en termes de besoin. Nous
sommes faits pour vivre en groupe et appartenir à un groupe.
Le premier groupe social qui va servir de modèle à l’enfant est bien sûr sa famille.
Quelle que soit la structure de la famille, avec un père et une mère, ou une mère
seule, ou une famille homoparentale, l’adulte a toujours la même mission de
protéger son enfant, satisfaire ses besoins et lui transmettre les codes de
communication, la valeur de respect de l’autre, en particulier, pour lui permettre
ensuite de communiquer avec d’autres et de s’intégrer dans un autre groupe social.
il s’agit donc bien d’un processus d’apprentissage qui va prendre du temps et
procéder par essais et par erreur.

Comme les neurosciences nous le montrent, les
circuits se mettent en place dès les premières expériences et ensuite sont renforcés
au fil du temps par la répétition de l’expérience réussie. C’est comme cela que nous
avons appris aussi à écrire, à conduire....


Or, le petit d’homme n’est pas fini à la naissance compte tenu de l’immaturité de
son cerveau. Ce que l’Homme a gagné en intelligence, en complexité, il le paie en
autonomie.

On parle de 25 ans pour une maturité qui a atteint son maximum.
Sur le plan de la marche, il va lui falloir au moins un an pour trouver son équilibre.
Sur le plan du langage, au moins 3 ans avant d’acquérir la structure de base du
langage, et encore quelques années de plus pour en développer la diversité et
maîtriser la subtilité.


Sur le plan du comportement, il commence très tôt à rencontrer d’autres personnes,
adultes, enfants. Mais sans le langage, comment se faire comprendre ? Avec les
cris et avec des comportements. Tant que l’enfant ne maitrise pas le langage, on
observe qu’il a de nombreux comportements pulsionnels et qu’il est souvent
envahi par l’émotion, ce qui correspond encore à un certain niveau d’immaturité du
cerveau.


L’adulte lui-même bien qu’il sache marche, peut trébucher, bien qu’il sache parler
peut bafouiller ou faire des erreurs et quel est l’adulte qui n’a jamais perdu le
contrôle émotionnel en situation d’énervement ?Et pourtant nous connaissons les
règles !


Ah le mot est lâché. La règle ! On entend souvent, en terme d’éducation, il a compris
ce que je lui ai dit, d’ailleurs il comprend tout, alors pourquoi ne fait-il pas ce qu’il
faut ? Pourquoi faut-il répéter sans cesse ?


Tout d’abord, Si l’on reprend le concept d’apprentissage on comprend vite que
l’enfant n’échappe pas à la règle, il va lui falloir du temps. Et comme l’enfant est
dépendant pendant de nombreuses années (environ 18 ans) il va lui falloir toutes ces
années pour conforter son éducation, intégrer les règles de la vie sociale.
L’enfant étant dépendant des adultes, ce sont bien les adultes, d’abord les parents
et ensuite tous ceux qui gravitent autour de lui qui seront chargés de cette mission
au long cours .En étant le modèle suivre pour commencer.
Il est donc inévitable d’envisager le processus d’apprentissage sans envisager la
notion de répétition.A cela s’ajoutent les étapes de développement de l’enfant dont la fameuse période
d’opposition, l’enfant s’affirme en disant « non », ce qui signifie en fait, « pas
toujours comme tu veux toi, moi aussi je deviens capable de décider pour moi ». Et
ça n’est pas de la toute-puissance, c’est le début de la différenciation et de
l’autonomie.


Sur le plan cognitif, même si il a compris, un enfant est soumis a des nombreuses
stimulations sensorielles qu’il doit intégrer au même moment et son cerveau va faire
un tri au moment où il va recevoir l’injonction « fais ceci ».
La PNL nous apprend qu’une injonction négative est beaucoup moins efficace et
moins agréable qu’une injonction positive. Ex : ne crie pas ! l’enfant ne pense que
« crier » et si l’adulte ne lui propose pas une piste vers un nouveau comportement il
ne l’aide pas à changer de comportement. Eduquer c'est « mener vers », ça n’est
pas détourner sans rien proposer.
Apprendre c’est bien montrer ce qu’il faut faire et non pas montrer ce qu’il ne faut
pas faire.
Aujourd’hui l’éducation positive insiste sur trois points :
La reconnaissance des émotions de l’enfant (je vois que tu es en colère... que tu
es triste.....)


La communication positive, qui oriente vers le comportement attendu.
C’est une démarche volontaire qui va à l’encontre des anciens schémas inscrits lors
de l’éducation reçue par le parent (sauf exception). Cette éducation était souvent
basée sur la crainte, la soumission et l’ignorance des adultes.
La valorisation, qui renforce l’estime de soi de l’enfant.
On sait depuis des décennies que l’éducation est une tâche difficile surtout quand
parfois les conditions sont défavorables (stress, fatigue, précarité, maladie du
parent).


Cette éducation positive nécessite du recul de la part de l’adulte qui a en face de lui
un enfant, une petite personne en plein apprentissage et doté d’un cerveau encore
très immature, qui préfère les messages positifs aux messages négatifs. En termes
de processus d’apprentissage, on parle de renforcement positif. Or l’enfant apprécie
toujours la valorisation, le retour positif sur ce qu’il fait.


« tu vois quand tu fais cela, c'est bien, tu fais comme les grands, je suis contente ».
En crèche, nous utilisons chaque jour cette démarche positive et forte d’empathie
vis-à-vis de l’enfant. Nous acceptons de répéter parce que nous savons que l’enfant
a besoin de temps pour intégrer. Parfois, nous décodons que sa demande de
répétition est aussi une demande d’attention, d’autant plus que dans la collectivité il
pourrait craindre qu’on l’oublie ou au moins ressentir un manque d’attention.
Nous verbalisons ses comportements pulsionnels, en lui rappelant la règle et surtout
en lui proposant d’autres pistes de comportement. Un enfant qui tape un autre enfant
à 2 ans parce qu’on lui a pris on jouet, est normal pour son âge, il n’a pas encore
d’autre moyen ni de s’opposer ni de communiquer. Cela va lui être dit sans lui en
faire le reproche, de façon claire et simple.
Alors soyons patients et indulgents avec les enfants. Laissons leur le droit à l’erreur et
encourageons les à recommencer autrement en les valorisant à chaque fois qu’ils font ce
qu’il faut faire.


Isabelle Lelouvier,psychologue